Au cours des dernières années, on observe un intérêt croissant pour les maisons intergénérationnelles. Autrefois marginal, ce type d’habitation attire aujourd’hui de plus en plus de familles, autant dans les zones urbaines que rurales. Cette tendance, motivée par des raisons économiques, sociales et culturelles, transforme tranquillement le paysage immobilier québécois et canadien.
Une propriété intergénérationnelle, aussi appelée maison bi-générationnelle, est conçue ou modifiée pour accueillir deux générations ou plus sous le même toit, tout en préservant une certaine autonomie pour chaque ménage. Généralement, il s’agit de parents et de leurs enfants adultes avec leurs propres familles, ou encore de grands-parents qui viennent habiter avec leurs enfants et petits-enfants. Ces maisons comportent habituellement deux logements distincts : chacun ayant sa propre cuisine, salle de bain, entrée, voire parfois son propre compteur électrique.
Cette cohabitation familiale modernisée est alimentée par plusieurs facteurs, le premier étant l’augmentation du coût de la vie. Avec la montée rapide des prix des maisons, des loyers, de la nourriture et des services, vivre ensemble devient une solution financièrement avantageuse. En partageant les frais liés à l’hypothèque, aux taxes municipales, aux assurances, au chauffage et même à l’entretien, les familles peuvent bénéficier d’un cadre de vie de meilleure qualité sans exploser leur budget.
Le vieillissement de la population est un autre moteur de cette tendance. De nombreuses familles cherchent à garder leurs parents âgés près d’eux, afin de leur offrir du soutien au quotidien tout en évitant les coûts parfois très élevés des résidences privées. Une maison intergénérationnelle permet à une personne âgée de conserver son autonomie et sa dignité, tout en étant encadrée par sa famille. Cette proximité rassure tout le monde et renforce les liens familiaux.
D’un autre côté, plusieurs jeunes adultes, diplômés ou non, choisissent aussi de rester plus longtemps chez leurs parents en raison du contexte économique difficile. Une unité indépendante leur permet d’avoir leur propre espace de vie tout en profitant du soutien familial. Ce modèle de cohabitation offre une transition en douceur entre la vie familiale traditionnelle et la vie complètement autonome.
La pandémie de COVID-19 a aussi joué un rôle important dans l’essor des maisons intergénérationnelles. L’isolement des aînés, les défis liés à la garde d’enfants, et le télétravail ont mis en lumière l’importance de pouvoir compter sur un réseau de soutien immédiat. Plusieurs familles ont revu leurs priorités et cherché des façons de se rapprocher, physiquement et émotionnellement. Le modèle intergénérationnel, déjà en croissance, a trouvé un nouvel écho.
Mais vivre ensemble sous le même toit, même dans des unités séparées, implique des ajustements. La cohabitation intergénérationnelle demande de la communication, du respect et une certaine planification. Il faut établir des règles claires dès le départ sur l’utilisation des espaces communs, la répartition des dépenses, le respect de la vie privée et les responsabilités partagées. Un bon dialogue est essentiel pour éviter les tensions et favoriser une harmonie durable.
Sur le plan immobilier, le marché des maisons intergénérationnelles suit aussi cette demande croissante. De plus en plus de promoteurs incluent ce type de concept dans leurs plans résidentiels. Certains modèles de construction neuve prévoient des annexes latérales ou en sous-sol, entièrement aménagées pour une deuxième famille. Pour ceux qui souhaitent adapter une maison existante, il est parfois possible de faire une conversion, à condition de respecter les règlements municipaux.
Les municipalités ne sont pas toutes aussi ouvertes à ce type de logement. Dans certains cas, la réglementation de zonage limite ou interdit les habitations intergénérationnelles, surtout si elles sont perçues comme des logements accessoires non conformes. Il est donc impératif de vérifier avec la ville si une maison peut légalement être divisée ou transformée à cet effet. Parfois, un permis ou un changement d’usage est nécessaire.
Il est aussi important de différencier les maisons intergénérationnelles des duplex ou triplex classiques. Dans une propriété intergénérationnelle, les logements ne peuvent généralement pas être loués à des tiers. Ils sont conçus pour une occupation familiale. Cette distinction est capitale, car elle peut affecter la valeur marchande, les taxes, le financement hypothécaire et les assurances.
Parlant de valeur, les maisons intergénérationnelles ont tendance à conserver une valeur stable, voire à augmenter, surtout dans les marchés où la demande pour ce type d’habitation est forte. Cependant, elles peuvent aussi être plus longues à vendre si l’acheteur potentiel ne souhaite pas utiliser la deuxième unité. C’est pourquoi il est crucial de bien planifier ce type d’achat ou de transformation, en pensant non seulement à ses besoins actuels, mais aussi à la revente éventuelle.
D’un point de vue social et humain, vivre en maison intergénérationnelle peut être extrêmement enrichissant. Les enfants bénéficient de la présence de leurs grands-parents, ce qui favorise les liens affectifs et transmet des valeurs familiales profondes. Les parents peuvent compter sur de l’aide occasionnelle ou continue, tandis que les aînés profitent d’une vie sociale plus riche et d’une sécurité accrue. Cette solidarité intergénérationnelle est souvent perçue comme un retour à des valeurs plus humaines, à contre-courant de l’individualisme croissant.
Certaines familles choisissent aussi d’utiliser la deuxième unité comme bureau à domicile, studio professionnel, ou espace de location temporaire, tant que cela respecte les règlements en vigueur. Cette flexibilité d’usage ajoute une valeur fonctionnelle non négligeable. Les maisons intergénérationnelles ne sont pas uniquement une solution de cohabitation : elles représentent aussi un choix stratégique pour plusieurs types de modes de vie contemporains.
Dans certaines cultures, la cohabitation familiale à plusieurs générations est la norme depuis longtemps. Le modèle gagne maintenant du terrain dans les sociétés occidentales, où les mentalités changent et où les défis économiques poussent à repenser l’organisation résidentielle. Ce changement de paradigme est bien accueilli par les urbanistes qui cherchent à densifier les quartiers de façon intelligente, en favorisant l’habitat inclusif et les communautés fortes.
En conclusion, les propriétés intergénérationnelles offrent une réponse concrète à de nombreux enjeux actuels : coût de la vie, vieillissement de la population, isolement social, besoin de flexibilité résidentielle. Bien qu’elles exigent une certaine adaptation, elles représentent une option durable, humaine et économiquement viable. Pour plusieurs familles, elles incarnent un compromis parfait entre autonomie, entraide et qualité de vie.